Châtaigniers et châtaignes

Histoire des châtaigniers a travers les âges et méthode de production de la farine de châtaigne



La culture

Le châtaignier a tenu une place considérable dans l’économie de la Corse. Cet arbre à feuilles caduques, (Castanea Sativa), pousse entre 400 et 1200m d’altitude. Il peut mesurer 30 mètres de haut et atteindre les 500 ans. Il met quarante ans avant d’être productif, et un proverbe corse dit que celui qui le plante n’en mangera jamais les châtaignes.
Son fruit, la châtaigne se trouve dans une bogue piquante. Cet arbre est présent naturellement dans l’île où il existe une trentaine de variétés de châtaignes. Certaines sont endémiques, d’autres on été importées et greffées. Mais il ne semble avoir été greffé que depuis le Moyen Age. Sa culture prend un essor considérable durant l’époque moderne où ses fruits tiendront une grande place dans l’alimentation des villageois de Corse. Son fruit, son bois, ses feuilles, son tanin, ont été exploité durant des siècles.
Les châtaigneraies sont débroussaillées à la fin du printemps. Une préparation du sol est indispensable pour faciliter le ramassage qui commence au début de l’automne. Souvent, on prenait soin de les arroser durant les périodes de sécheresses à l’aide de canaux patiemment creusés pour assurer une bonne récolte. 
 

La récolte

À l'automne le ramassage des châtaignes mobilisait les communautés rurales, les châtaignes étaient ramassées une par une, à la main ou à l’aide d’une sorte de petite fourche en bois à trois dents « a ruspaghjola », puis déposées dans des paniers. Cette récolte était réglementée, on sonnait les cloches « u furestu » pour avertir les propriétaires d’animaux. Les éleveurs de cochons, les bergers, tous devaient alors éloigner leurs troupeaux de ces cultures. Ce n’est qu’après qu’ils pouvaient revenir, notamment pour finir d’engraisser les cochons avec les dernières châtaignes oubliées par les cueilleurs. 

Le séchage

Après la récolte, les châtaignes étaient étalées sur des séchoirs. Sous les claies, un feu était alimenté en permanence avec du bois de châtaignier qui produit beaucoup de fumée, nécessaire au séchage du fruit. Les châtaignes étaient régulièrement remuées pour parfaire le séchage. Quand la peau devenait craquantes, elles étaient alors versées dans un long sac de toile et battues sur un billot. Il fallait plusieurs coups pour pulvériser la peau. Ces châtaignes étaient ensuite tamisées puis décortiquées avec un couteau pour enlever les résidus de la seconde peau qui cloisonnent le fruit. Dans le haut Tàravu, on utilisait aussi une méthode assez particulière qui consistait à placer ces châtaignes à demi décortiquées et à les fouler avec des chaussures cloutées afin d’enlever la dernière peau.
Puis, elles étaient disposées quelques heures dans un four à pain, tiède, pour parfaire le séchage. Elles prenaient alors une coloration plus foncée, qu’il fallait surveiller. Il faut que le fruit soit parfaitement sec pour être moulu et transformé en farine par les meules en pierre du moulin. Les meuniers devaient maîtriser parfaitement les techniques afin d’obtenir une farine fine et légère. Il faut trois kilos de châtaignes sèches pour obtenir un kilo de farine.

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A Pulenta

La farine de châtaignes constituait l'alimentation de base. Elle composait  souvent le menu familial. Elle  pouvait être cuisinée de différentes façons : en pulenta pour remplacer le pain, en bouillie avec du lait, en galettes cuites dans un four à pain ; on en faisait aussi des beignets qui pouvait être accompagnés de brocciu frais.

Il existe plusieurs recettes pour faire la pulenta. La plus courante est la suivante : Il faut d’abord tamiser la farine pour éliminer les grumeaux. Verser une grande quantité d’eau, légèrement salée, dans un chaudron ou une grande casserole et porter à ébullition. Quand l’eau arrive à ébullition, verser lentement la farine sans arrêter de remuer avec un bâton (u pulentaghju). Il faut que la pâte soit assez consistante. On doit remuer sans arrêt pendant une vingtaine de minutes. Quand la pulenta est cuite, la retirer du feu et décoller la pâte des parois de la casserole, à l’aide d’une petite spatule en bois imprégnée de farine (la pâte ne doit pas coller à la spatule). Quand la pulenta est bien décollée, la remettre sur le feu quelques secondes, elle va gonfler et « éclater », c’est a bomba. Cette action permet d’éliminer les gaz de fermentation de la pâte. Verser la pulenta sur un torchon, saupoudré de farine et la couvrir pour la laisser durcir. Si elle n’est pas dure, on ne peut pas la couper. Quand elle est tiède, on prend un fil et on la découpe en tranche  
Une autre moins courante est cependant plus facile et plus rapide : Tamiser la farine. Remplir une grande casserole d’eau, légèrement salée, que l’on chauffe. Quand l’eau commence à frémir, verser la farine d’un coup, sans la remuer. Laisser bouillir 25 minutes environ en faisant, de temps à autre, un trou avec un bâton dans la farine (sans remuer). En fin de cuisson, retirer l’eau de la casserole que l’on réserve  et  remuer vigoureusement à l’aide d’un bâton. Si la farine est trop dure, rajoute l’eau de  cuisson. On la couvre, on la laisse durcir et on la découpe à l’aide d’un fil.  
Elle peut s’accompagner de figatellu, d’œuf sur le plat et de brocciu frais. On pouvait aussi obtenir une bouillie en ajoutant de la farine dans de l’eau chaude afin d’obtenir une pâte onctueuse. On la consommait alors après avoir versé du lait frais dessus. Cette bouillie est diversement nommée selon les régions, elle porte le nom de granaghjola dans le sud de la Corse.
 

Témoignage recueilli à Tasso

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